L'écho de son passé

25 juin 2005

"Tu me manques, je n’aurais jamais cru redire ça un jour…"
Son cœur se serra. Sa poitrine lui faisait mal à en mourir de chagrin. Pourquoi avait-elle ouverte cette lettre ? Pourquoi la lui avait-il envoyé ? Pourquoi ? Les souvenirs lui revinrent soudain avec force et violence. Ses poings se refermèrent sur eux-même, une grimace érafla son visage. À genoux sur son lit, elle se recroquevilla douloureusement sur elle même, les bras pressés autour de sa taille, la machoire serrée. Des larmes de haine et de rancœur souillaient ses joues. Ses jolies paroles, ses belles promesses,…rien que du vent ! Elle ferma encore plus ses yeux, à s’en briser les paupières. Elle aurait voulu ne jamais venir au monde. Jamais ! Une douleur lancinante lui retourna l’estomac.
"J’espère que tout va bien pour toi."
Les larmes redoublèrent, diamants de sa tristesse qui n’avaient de cesse de pleuvoir. Trois ans… Cela faisait trois ans. Elle s’était juré de l’oublier. De ne plus l’écouter. Pour que ses tourments cessent. Pour que le supplice s’achève. Elle avait étouffé son amour et torturé son cœur pour que tout s’arrête. Trois ans pour y arriver. Et une seconde.
Pour tout détruire.
"Là, ça fait mal mais tu t’en remettras."
Un râle long et agonisant s’échappa de sa gorge, comme un cri de détresse. Les ténèbres de son âme hurlaient. Elle se sentait mourir de l’intérieur. Ce mal qui autrefois la rongeait, aujourd’hui l’envahissait. Le moindre de ses muscles était tétanisé. Pétrifié de terreur.
Lui. Il revenait. Il revenait la hanter. La posséder. La dévorer. Et la tuer. Il revenait terminer son travail. Achever son œuvre. La sublimer.
"La nostalgie n’est jamais bonne pour le cœur."
Alors pourquoi ? Pourquoi réapparaître ? La tête prise entre les mains, elle se balançait machinalement d’avant en arrière, les yeux exhorbités. Il lui semblait voir des centaines de silhouettes. Toutes identiques. La sienne. Il était là. Partout et nulle part. Il avait toujours été là. Elle en était persuadée. Il avait toujours été là, observant ses réactions, réactions qu’il avait bien entendu prévu. Il la connaissait par cœur.
« Va-t-en ! Va-t-en ! Laisse-moi… par pitié… » hurla-t-elle d’une voix rauque, presqu’éteinte.
Les silhouettes se brouillèrent un instant. Elle espéra. Elle espéra que le cauchemar allait se terminer. Elle espéra que son fantôme allait disparaitre. Elle espéra de tout cœur.
Mais les silhouettes étaient toujours là. Obsédantes. Angoissantes. Des silhouettes sombres. Noires. Comme lui. Et les ombres commencèrent leur danse macabre. Elles tournèrent. De plus en plus vite. Il lui sembla entendre un rire terrifiant. Sournois et strident. Un de ces rires qui vous glace le sang. Elle hurla. Hurla. Hurla. Elle demanda pitié. Elle invoqua la mort. Elle le supplia d’arrêter. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
"Pardonne-moi."
Les silhouettes maléfiques se rapprochèrent, sans cesser de tourner. Accompagnées de leur mélodie effrayante. La tête lui tournait affreusement. Sa vision ne distinguait plus grand chose.
« Pitié arrête ! »
Dans un élan désespéré, elle se rua sur une des silhouettes. Criant. Se débatant. Elle était toujours là. Et cette musique angoissante, qui la submergeait peu à peu. Elle se noyait. Elle s’étouffait dans son propre délire. Dans cette épouvantable folie. Son théâtre de démence. Son aliénation chérie.
Et elle sauta.
De la fenêtre.
Du quatorzième étage.

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